lundi 31 décembre 2012

Petit guide de la résistance au froid


Un petit coup d’œil à travers la fenêtre et une confirmation : l’hiver et bel et bien installé ! Le paysage est aussi blanc que le ciel. Et malgré la beauté et la féérie de cette image, y’a pas à dire, on a envie de rester bien au chaud. Hé oui, il faut dire que niveau résistance au froid, l’humain n’est pas le mieux pourvu. Dès que la température descend en dessous de 20°C, le pull s’impose. Pourtant, outre les artifices dont nous avons (presque) le monopôle - chauffage, bouilloire et compagnie - la nature dispose de son florilège de tactiques pour lutter contre le froid. Avant de vous proposer un rapide tour d’horizon, une question s’impose : pourquoi le froid est-il mauvais pour certains organismes ?


(Source)

Les effets de la température


La température a des conséquences sur de nombreux mécanismes physiologiques. Sa diminution provoque un ralentissement de la plupart des phénomènes, y compris le métabolisme. Ainsi, les guppies, des petits poissons colorés bien connus des aquariophiles et qui vivent habituellement dans un environnement à 23°C, meurent à 10°C à cause d’un trop fort ralentissement de leur centre respiratoire (Pitkow 1960). Les enzymes, indispensables aux réactions chimiques de l’organisme, disposent d’une température optimale de fonctionnement. La température détermine en effet l’intensité de l’agitation moléculaire, elle-même influant notamment sur les vitesses de changements de conformation des protéines ou encore la probabilité de rencontre entre différents composés. Un changement trop important de température peut donc entraîner l’inactivation d’enzymes. De plus, les réactions n’ont pas toutes la même sensibilité aux températures, et il peut donc y avoir accumulation ou disparition de certains intermédiaires du métabolisme. La température peut avoir des effets sur la structure membranaire des cellules, et donc entraîner une modification des interactions des protéines et des lipides. Et puis bien sûr, beaucoup d’organismes ne supportent pas la formation de glace dans leurs tissus.


La thermorégulation chez l’être humain


Vous l’avez tous remarqué : nous même, Homo sapiens, avons une gamme de température dans laquelle nous nous sentons bien. Au-delà, nous avons « trop chaud » ou « trop froid ». Mais avant que la température ne soit sérieusement dangereuse, notre organisme est capable de s’arranger pour que notre température interne reste stable, grâce à ce qu’on appelle la thermorégulation.
En permanence, des récepteurs détectent la température, à la fois au niveau de la peau (thermorécepteurs périphériques) et de la moelle épinière, des organes abdominaux et de l’hypothalamus, dans le cerveau (thermorécepteurs centraux). L’information est ensuite transmise à l’hypothalamus, qui s’occupe de coordonner les actions permettant à notre corps de se réchauffer. L’important étant de garder les organes vitaux au chaud, les récepteurs centraux sont prioritaires mais les récepteurs périphériques permettent d’anticiper les variations de températures avant qu’elles n’atteignent les récepteurs centraux.
Et ensuite ? Et bien vous connaissez les symptômes liés aux basses températures : on claque des dents, on a froid aux doigts et aux orteils, on frissonne… Le frisson se caractérise par des contractions rythmiques des muscles, qui permettent de transformer l’énergie en chaleur. La sensation de froid aux extrémités est due à la vasomotricité (modification du diamètre des vaisseaux sanguins). Ainsi, les vaisseaux situés juste sous la peau se contractent. Le sang y circule moins, ce qui diminue les pertes de chaleur du sang vers l’extérieur. La chaleur de l’organisme reste donc concentrée dans les organes vitaux, quitte à sacrifier les doigts bien moins indispensables !
Alors que la température de notre corps est bien homogène lorsque la température extérieure est douce, elle descend rapidement dans les extrémités (mains et pieds, puis bras et jambes) lorsque la température extérieure baisse. Les centres vitaux de notre organisme (cerveau, cœur, poumons, etc.) restent cependant à bonne température (Source)


Ces mécanismes fonctionnent chez de nombreux organismes, mais beaucoup d’espèces ont leurs propres particularités qui leur permettent, entre autres, de résister aux températures basses. D’ailleurs pour l’homme, une particularité est bien plus évidente que toutes celles que je viens de citer. C’est sa capacité d’innovation, son aptitude à utiliser des outils, qui lui ont permis de coloniser des environnements à priori trop froids sans ces artifices. Vêtements, cabanes, découverte du feu… Et bien sûr à l’heure actuelle tout un tas de machines qui produisent de la chaleur, des procédés qui permettent de mieux la conserver… Imaginez vous seulement, tout petit humain que vous êtes, à poil et sans maison au beau milieu d’une France sauvage… La survie face au froid serait bien pénible !

 


Les multiples inventions pour résister au froid dans le monde animal


Si les humains ont pu coloniser presque tous les milieux grâce à leurs artifices, les autres animaux en ont fait tout autant, en rivalisant d’adaptations pour survivre sans problèmes dans des environnements qui nous donneraient envie de claquer des dents… On dénombre plusieurs types de propriétés, telles que des adaptations morphologiques, comportementales ou encore physiologiques.
Les adaptations morphologiques sont les plus évidentes parce que les plus visibles. Quand on voit un ours blanc se trémousser tranquillement sur la banquise, on se dit qu’on en ferait tout autant si seulement on avait une fourrure aussi bien fournie que la sienne… L’isolation thermique est en effet très importante pour conserver la chaleur au sein de l’organisme. Cette isolation passe par des couches de graisses, des poils ou encore des plumes. Fourrure et plumage fonctionnent un peu comme vos fenêtres à double vitrage. Si leur épaisseur compte pour isoler la maison, c’est surtout grâce à la couche d’air prisonnière entre les deux vitres que vous devez votre isolation thermique. Celle-ci fonctionne comme un tampon, assurant une certaine inertie thermique. De la même façon, poils et plumes emprisonnent de l’air, et c’est particulièrement cette couche qui permet à l’animal de conserver sa chaleur. Cette isolation peut varier selon les saisons, augmentant avec l’arrivée de l’hiver.
Une autre adaptation morphologique consiste en une réduction des surfaces d’échanges entre l’animal et l’environnement, qui réduit par la même occasion les pertes de chaleur. Cela consiste en une diminution (par rapport à des espèces apparentées vivant dans des milieux plus chauds) du ratio surface/volume, et une réduction des extrémités. On parle de la règle d'Allen. L’animal se rapproche ainsi d’un aspect compact, « en boule », la sphère ayant en effet le plus faible rapport surface/volume. Par exemple, le renard polaire, comparé à ses cousins, dispose d’oreilles bien plus réduites, ainsi que d’un museau relativement court.

Comparé à ses cousins des pays plus chauds (fennec et renard roux), le renard polaire dispose d’extrémités réduites

En plus d’adaptations morphologiques, les animaux soumis à de basses températures sont également capables de conserver leur chaleur corporelle via des comportements. Ainsi, à l’image des animaux ectothermes (c'est-à-dire qui produisent peu de chaleur via leur métabolisme, et dépendent donc des conditions de température de leur environnement), l’exposition au soleil est une manière simple de faire augmenter la température de son corps. Tout le monde a en tête l’image du serpent ou du lézard se dorant impassiblement au soleil… Des postures individuelles peuvent également permettre de réduire les pertes de chaleur. Ainsi, de la même façon que le renard polaire dispose d’une surface apparente réduite, les animaux peuvent s’arranger pour créer cette propriété, simplement en se roulant en boule. L’orientation du corps par rapport au vent peut également jouer un rôle primordial pour éviter les pertes de chaleur. Et puis bien évidemment, la recherche ou la construction d’abris sont indispensables à de nombreuses espèces, notamment les espèces qui hibernent. Par ailleurs, ces dernières sont fascinantes dans le sens où, bien qu’endothermes (par opposition à nos ectothermes de tout à l’heure, ce sont des espèces qui maintiennent relativement constante leur température  grâce à une production interne de chaleur, nous en faisons d’ailleurs partie), elles sont capables de survivre, lors de l’hibernation, à une baisse drastique de leur température interne. A tel point que ces animaux sont parfois classés dans la catégorie des hétérothermes, une sorte d’intermédiaire entre endothermes et ectothermes. Cette baisse de température est compensée par une intense diminution du métabolisme. Chez le Spermophile arctique (Spermophilus parryii), un petit écureuil, la fréquence cardiaque passe de près de 400 pulsations par minutes en éveil à une soixantaine en hibernation.
Après un réveil forcé, le Spermophile arctique (Spermophilus parryii) entre de nouveau en hibernation. On observe alors une baisse de sa fréquence cardiaque en parallèle de la diminution de sa température interne. (Source)

Dans la catégorie « comportements », on peut également classer la migration. De nombreux oiseaux sont ainsi connus pour rejoindre des contrées plus chaudes quand l’hiver arrive… Bien souvent cependant, il apparait que le paramètre important n’est pas la température elle-même (certains oiseaux survivraient tout à fait aux températures hivernales), mais plutôt les ressources en nourriture. Les animaux se nourrissant d’insectes, qui deviennent indisponibles dès l’arrivée de l’hiver, ont en effet beaucoup de mal à subvenir à leurs besoins énergétiques. Bon là je suis obligée de parler de mon sujet d’études préféré… le flamant rose (Phoenicopterus roseus) ! J’avais consacré un article à vous parler de leurs bizarreries multiples. Une partie de la population vit et se reproduit en France en été. L’automne venu, certains oiseaux partent vers le sud tandis que d’autres restent en France. Le sud est une promesse d’abondance, mais également la perspective d’un voyage périlleux au cours duquel beaucoup y laisseront la vie. La France recèle de plus en plus de ressources pour eux, mais ils n’y sont pas non plus à l’abri. Cette année par exemple, le froid a été tel que beaucoup de flamants sont morts… de faim (vous pouvez me croire, j’ai étudié leurs cadavres pendant des mois !). Leurs ressources de nourriture étaient simplement prisonnières de la glace. Les quelques centaines d’oiseaux qui sont restés cantonnés dans un petit étang au cœur d’un parc ornithologique ont eu la chance d’être nourris par l’homme, et ont tout à fait résisté au froid. Par ailleurs, je serais curieuse de connaître les effectifs des oiseaux qui ont migré cet automne ! Il se pourrait bien que beaucoup aient changé d’avis quant à leur décision de rester, compte tenu du fiasco de l’année passée…
Pour terminer ce tour d’horizon des comportements pour résister au froid, j’aimerais citer deux espèces aux mœurs assez spécifiques. D’une part, le fameux manchot empereur (Aptenodytes forsteri), qui vit dans des pays où tout est tout blanc partout. Son histoire a été largement diffusée grâce à un film-documentaire d’une grande poésie, La marche de l’empereur. J’avoue que ça me démange de radoter la différence entre un manchot et un pingouin, de huer tous les créateurs de dessin animés qui nous apprennent dès l’enfance à appeler pingouin les manchots… mais bon après tout ce n’est pas le sujet, et puis y’a une super planche de BD qui y est consacrée sur Mégatherium. Dans le film-documentaire comme je disais, on y voit les manchots plongés dans une tempête de neige atroce et les braves bêtes qui lutent contre ce froid et ce vent sans pitié. Ils ont une parade assez efficace : ils se regroupent, se serrent les uns aux autres le plus possible. Cette formation « en tortue » (oui oui, comme les légionnaires dans Astérix et Obélix !) permet un maintien de la chaleur grâce à une diminution des surfaces d’échanges avec l’environnement. Chaque individu étant de tous les côtés collé aux autres, qui ont à priori une température proche de son propre plumage, le froid ne les pénètre que par le haut (bin oui, ils ne vont pas non plus s’entasser…). Attention aux interprétations anthropomorphiques et à la tentation d’invoquer la sélection de groupe… Malgré une unité et une coopération apparente, chaque individu prend cette position pour sauver sa propre peau, et non pour protéger les autres comme le laisse entendre le film Happy feet (un film d’animation qui raconte l’histoire d’un pauvre petit manchot qui ne sait pas chanter…). Lorsque le blizzard déferle subitement sur la colonie, le chef se met en effet à crier « Share the cold! Share the cold. Each must take his turn against the icy blast... » (« partagez le froid ! partagez le froid ! Chacun doit prendre son tour contre le souffle de glace »). Il est vrai qu’il a été mis en évidence que ce ne sont pas toujours les mêmes individus qui se retrouvent à l’extérieur de la tortue, et donc sont les plus exposés au froid. Il y a une rotation, et un individu se retrouvera tantôt au centre, tantôt en bordure du groupe. Cependant, il semble peu probable qu’un individu bien au chaud au milieu décide de céder gracieusement sa place à un pauvre manchot mort de froid qui ne lui est probablement même pas apparenté. Il apparaît plutôt que les manchots vont simplement réagir au vent, et les plus exposés finiront par en avoir marre et iront se placer de l’autre côté de la formation, exposant ainsi les manchots qu’ils protégeaient auparavant…


Dernier exemple pour les comportements de lutte contre le froid, juste parce que quand même y’en a qui ont trouvé la solution miracle en s’offrant plaisir et détente de surcroît : petit détour chez les macaques japonais (Macaca fuscata). Ce macaque est le plus nordique de tous les primates, ce qui l’oblige à résister à des températures souvent négatives. Il est évidemment doté de particularités facilitant cette vie dans le froid, notamment une belle fourrure bien épaisse. Mais ces singes ont dégotés une source de chaleur de substitution qui n’a rien à envier aux inventions humaines : ils se réchauffent en se baignant dans des sources thermales naturelles, des bains dont la chaleur a une origine volcanique. D’ailleurs, si vous avez déjà eu l’occasion de visionner un reportage sur ces animaux, vous avez peut être été marqués par leur manque de courtoisie. Leur système social fonctionne, comme souvent chez les macaques, sur une hiérarchie bien déterminée. Seuls les dominants, ainsi que leurs petits, ont le droit de paresser tranquillement dans le bain de chaleur bienfaisante. Les autres, quand bien même issus de la même troupe, sont recalés transis sur les bords, profitant à peine des quelques effluves de chaleur de la source. Qu’ils essaient de prendre la place des dominants, et ils se feront sévèrement réprimandés. C’est que les dominants n’aiment pas être sérés dans leur bain…

Des macaques japonais (Macaca fuscata) se prélassent dans une source d’eau chaude. (Sources 1, 2)

Dernier grand type d’adaptations au froid que je veux vous évoquer, mais loin d’être le moindre : les adaptations d’ordre physio-anatomique. J’en avais évoqué deux au début de l’article, concernant l’être humain : frisson et vasomotricité. Il existe bien d’autres particularités, plus au moins répandues au sein du règne animal. Tout d’abord, les propriétés morphologiques permettant d’isoler l’animal, telles que les plumes ou les poils notamment, peuvent être améliorée par un phénomène de piloérection. Cela signifie que les structures, poils et plumes, vont se redresser. Chez l’humain, on parle de chair de poule. Cependant, poilus comme nous sommes, le résultat est assez décevant… Mais chez certains animaux, c’est un phénomène qui permet de conserver leur chaleur corporelle, en améliorant le système dont je vous avais parlé plus haut : des poils dressés permettent simplement l’emprisonnement d’une plus importante couche d’air.

Comme beaucoup d’oiseaux, le bruant à gorge blanche (Zonotrichia albicollis) est capable d’hérisser ses plumes pour augmenter la couche d’air qu’elles emprisonnent (Sources 1, 2)


En dessous de la peau, les vaisseaux sanguins s’adaptent aussi à la température extérieure, notamment grâce à cette vasoconstriction des vaisseaux les plus externes dont je vous avais parlé chez l’humain. Mais ce n’est pas la seule particularité des vaisseaux. Une disposition particulière permet de faire des miracles quand il s’agit de sauvegarder la chaleur corporelle. Quand j’ai évoqué les manchots, j’ai dit que la formation en tortue permettait que seul le haut de leur corps soit exposé au froid. Ce n’est pas tout à fait vrai. Qu’ils soient en formation ou chacun dans leur coin, les manchots ont toujours un point de contact indéniable avec le froid, simplement au niveau de leurs pattes ! Bin oui, de toute façon ils ne savent pas voler et au pôle sud ce n’est certainement pas dans les arbres qu’ils vont se réfugier… Ces oiseaux sont donc constamment debout sur de la glace, et donc à priori ils devraient progressivement évacuer toute leur chaleur par le bas. Mais c’est sans compter la disposition de leurs vaisseaux. Vous avez tous remarqué que la chaleur se transmet. Autrement dit, posez un objet froid conte un objet chaud et il se réchauffera. Ainsi, dans les pattes de nombreux animaux, ainsi que dans d’autres structures évidemment, veines et artères sont accolées. Si bien que quand le sang chaud descend vers l’extrémité des pattes, il est au contact du sang refroidit qui lui remonte. Ce contact fait que la chaleur du sang des artères se transmet dans les veines, réchauffant progressivement le sang qui remonte dans le corps de l’animal. Un système on ne peut plus simple qui aboutit à un gradient de chaleur du corps vers les extrémités.
A gauche, une patte de manchot empereur. A droite, système d’échange de chaleur en U dont disposent, dans leurs extrémités, des animaux exposés au froid

Les organismes constamment exposés au froid ont également des adaptations d’ordre moléculaire. Ainsi, ils disposent d’enzymes adaptées, dont l’activité est assurée à de basses températures. Si les organismes ne sont exposés que périodiquement au froid, le métabolisme peut s’adapter en diminuant. J’en ai parlé plus haut avec l’hibernation. Les mammifères hibernant ont d’autres adaptations physiologiques leur permettant de résister au froid, et notamment une importante proportion de « graisse brune ». Ce tissu adipeux particulier, présent chez beaucoup de petits mammifères et augmentant avec l’arrivée du froid, dispose d’un rôle thermogénétique. Autrement dit, il sert à produire de la chaleur via une oxydation des acides gras qu’il contient par les mitochondries. Je ne rentre pas plus dans les détails, mais les curieux peuvent aller jeter un coup d’œil sur le blog de JP Colin.
Disposition des principaux amas de graisse brune chez les petits mammifères hibernant



Et pour les températures négatives ?


Saviez-vous qu’en certaines parties du globe, l’eau des océans est inférieure à 0°C ? Et que malgré cette température, des animaux y survivent ? Petit point d’abord sur les différents états de l’eau. Comme on vous l’a appris à l’école, l’eau bout à peu près à 100°C et gèle en dessous de 0°C (je dis à peu près car cela dépend également de la pression atmosphérique). Pas de problème jusque là, ce sont même ces propriétés qui ont permis de créer l’échelle des degrés Centigrades, très proche de l’échelle des degrés Celsius (hé bien oui, à pression standard, l’eau bout précisément à 100 degré Centigrades mais à seulement 99,975 degré Celsius !). Cependant, vous savez aussi sans doute qu’en mettant un peu de sel dans l’eau des pâtes, ça cuit plus vite ! La belle aubaine. Comment ? En augmentant le point d’ébullition. Concrètement, de l’eau plus concentrée (ici en sel) est à une température plus élevée quand elle se met à bouillir, accélérant le processus de cuisson (en fait, le phénomène est quasi insignifiant sur le temps de cuisson). C’est également le même principe mais en sens inverse lorsqu’on répand du sel sur les routes en hiver : l’eau, dont le point de congélation est alors abaissé, se transforme en glace à une température plus basse que 0°C. Tout ça pour dire quoi ? Ha oui, que l’eau de mer étant salée, il n’est pas étonnant qu’elle puisse descendre en dessous de 0°C sans geler ! Des créatures aquatiques (appelons les « poissons » pour la compréhension générale de tout un chacun…) peuplent donc ces milieux frigorifiques, et ils ont tout intérêt, eux, à ne pas geler ! Ils disposent alors de protéines spéciales, qui leur permettent d’abaisser leur point de congélation : des glycoprotéines antigel. Ces protéines fonctionnement en empêchant la fixation de molécules d’eau sur des cristaux en formation.
D’autres animaux en revanche sont tout simplement capable de supporter le gel. Par exemples, les organismes qui vivent dans la zone de balancement des marées sont dans l’eau à marée haute mais se retrouvent exposés à l’air à marée basse, à des températures qui peuvent être fortement négatives. A ce stade, l’eau de leur corps peut être gelée à 90%. Et comme seulement l’eau gèle, et non les particules qui y sont dissoutes, le milieu interne non encore gelé est de plus en plus concentré, ce qui empêche une partie de geler (la même histoire que le sel juste au dessus). La protection des membranes cellulaires peut être assurée par des composés, tel que le glycérol, présent en forte concentration chez certains insectes et qui permet également d’abaisser le point de congélation.
Pour les curieux et courageux qui auront eu le courage d’aller jusqu’au bout de cet article, je termine en parlant d’un champion toutes catégories qui est aussi une de mes bébêtes préférées : le tardigrade. Cette minuscule bestiole, surnommée « ourson d’eau » en raison de son apparence, cumule les titres en matière de survie : résistance aux radiations, à la déshydratation, aux produits toxiques, et même au vide intersidéral ! Hé bien oui, lâchés dans l’espace, beaucoup survivent ! Ces bestioles sont aussi capables d’être actifs à des températures très négatives (allez donc leur faire un petit coucou au Groenland !), mais aussi de survivre à une température proche… du zéro absolu (Persson et al. 2011), soit -273,15 °C ou autrement dit, la plus basse température qui puisse exister dans l’univers ! Si après ça vous ne vous sentez pas ridicule question résistance au froid…

Un tardigrade, petit animal qui peut se targuer de résister à bien des situations extrêmes. (Source)


Bibliographie


Geiser, F. 2004. Metabolic rate and body temperature reduction during hibernation and daily torpor. Annual Review of Physiology, 66, 239-74.
Persson, D., Halberg, K.A., Jørgensen, A., Ricci, C., Møbjerg, N. & Kristensen, R.M. 2011. Extreme stress tolerance in tardigrades: surviving space conditions in low. Journal of zoological systematic and evolutionary research, 49, 90-97.
Pitkow, R.B. 1960. Cold Death in the Guppy. Biological Bulletin, 119(2), 231-245.


Sophie Labaude

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