mercredi 30 novembre 2011

A History of Fish 1 : Sans mâchoires y a de l'espoir !

Ce blog s'appelle "les poissons n'existent pas". Il est grand temps pour moi de vous parler de poissons, ou plutôt de pourquoi ils n'existent pas. D'abord, voyons quels organismes on qualifie de "poissons".
Parler de "poissons", c'est parler de vertébrés. Qu'est-ce qu'un vertébré ? Un animal avec des vertèbres ? Malheureusement, c'est plus compliqué que ça ! 
Dressons le portrait-robot du "vertébré-cliché", l'animal qui concentre toutes les caractéristiques qu'on associerait à première vue à ce groupe :

Cliquez pour agrandir

Un animal au corps allongé,  à symétrie bilatérale (un côté gauche et un côté droit, si vous préférez), avec des membres pairs (un de chaque côté). Il aura aussi éventuellement des appendices impairs (c’est-à-dire un seul pour les deux côtés) : pensez aux ailerons des requins, par exemple. Il aura une queue, une bouche à l'avant, entourée de mâchoires, un anus à l'arrière, deux yeux, deux capsules nasales et deux capsules auditives. A l'intérieur, on aura un cerveau prolongé par la moelle épinière dorsale, un cœur ventral et enfin un squelette interne dont un crâne qui entoura la tête. Ce squelette est constitué de carbonate de calcium, donc mangez du yaourt, les kids !
Ah oui, et j'ai oublié les fentes branchiales à l'arrière de la tête.
Comment ça "moi je suis un vertébré et j'ai pas de branchies" ? Certes, mais à l'âge adulte ! Chez les embryons de tétrapodes (les vertébrés terrestres, nous y compris), les fentes branchiales sont bien présentes avant de se résorber chez l'adulte. Et puis en ce qui concerne leurs structures associées, les arcs branchiaux… on en reparlera plus tard.

Finalement, ce vertébré "idéal" ressemble pas mal à un poisson… Vous voyez, quand je vous disais que parler des poissons c'est parler des vertébrés en général ! Et si on fait abstraction de certains caractères particuliers que nous avons, nous aussi ressemblons pas mal à ça ! Mais on y reviendra.
Bon, maintenant allons voir plus loin que ce "plan" idéal. En réalité, tous les vertébrés ne possèdent pas tous ces caractères, loin de là. En fait, les nouvelles classifications impliquent que tous les vertébrés n'ont même pas…de vertèbres !

Si vous voulez un caractère qui permet de reconnaître à coup sûr un vertébré, le voici : les vertébrés ont des cellules de la crête neurale. Ces cellules, qui vont se séparer de la paroi dorsale de l'embryon pendant son développement (celle qui deviendra le système nerveux), sont à l'origine de tout un tas de structures propres aux vertébrés : les os de la face, les dents, la gaine qui entoure les neurones, les cellules pigmentaires… Pour l'instant on ne connaît des cellules de la crête neurale que chez les vertébrés.
Les vertébrés ont également des placodes, des zones épaissies sur les côtés de la tête de l'embryon. Elles donnent nombre de structures sensorielles elles aussi propres aux vertébrés : le cristallin de l'œil, la couche de cellules sensorielles présentes dans les narines et les oreilles, et le système de ligne latérale, des cellules qui détectent les mouvements d'eau chez les vertébrés aquatiques.
Enfin, tous les vertébrés connus ont également un crâne qui entoure le  cerveau. Ce crâne, selon les groupes, peut être constitué d'os ou de cartilage (ce même cartilage qui est présent chez nous, par exemple aux articulations, au bout du nez, dans les oreilles…).


Les vertébrés ont une longue histoire. Les plus anciens connus remontent au Cambrien, il y a environ 530 millions d'années. Le Cambrien est la période pendant laquelle on observe les premiers fossiles de la plupart des grands groupes d'animaux, les arthropodes (comme les insectes et les araignées) et les mollusques (dont on a déjà parlé) par exemple.
  
Haikouichthys. Crédits : Wikipédia© 2003 Nature© 1999 Nature

Haikouichthys (voir ci-dessus) est le premier vertébré connu. Il provient de Chine, de l'écosystème dit de Chengjiang, qui nous a livré de magnifiques fossiles de toutes sortes d'animaux tous plus fous les uns que les autres. Malheureusement, ils sont tout aplatis, ce qui ne facilite pas l'observation de l'anatomie.
A première vue, Haikouichthys ressemble pas mal à un céphalochordé, qui n'est pas un vertébré (c'est quoi déjà un céphalochordé ?). Mais dans sa tête, les chercheurs ont observé des taches paires, qui pourraient bien être des yeux, des cavités nasales, et des capsules auditives. L'association de ces trois éléments fait bien penser à un vertébré. Pour couronner le tout, des petites taches en série le long du dos de l'animal font furieusement penser à des vertèbres. Comme ces marques ont été observées dans des centaines de spécimens, on considère qu'elles correspondent bien à des structures réelles de l'animal.

Mais Haikouichthys n'avait encore pas tout du vertébré idéal, loin de là ! C'était un animal tout mou, sans os, et il n'avait ni nageoires paires, ni mâchoires…
Parlons-en des mâchoires justement. Figurez-vous que même  aujourd'hui certains vertébrés n'en ont pas ! Ce sont les lamproies et les myxines.


Lamproie marine (Petromyzon marinus). Crédits : ARKive

Voici la lamproie. Comme vous pouvez le voir c'est un animal allongé, sans nageoires paires, mou, et sans écailles. Son squelette interne est entièrement cartilagineux. Elle est peut-être familière à certains d'entre vous : les espèces européennes, si elles vivent en mer, se reproduisent en eau douce (comme les saumons). On parle d'espèce anadrome. En plus, il paraît que c'est très bon à manger !

Lamproie de rivière (Lampetra fluviatilis). Crédits : ARKive

Ce qu'elle aime, la lamproie, c'est parasiter d'autres "poissons" en se collant à eux (voir ci-dessus) et en leur suçant le sang à l'aide de sa bouche que voici :


La bouche-ventouse d'une lamproie marine (Wikipédia)

Une sorte de ventouse ronde, plein de petites dents et une structure en forme de piston (au milieu), qui va râper les chairs, mmmh !

Autour de cette bouche, il n'y a pas de mâchoires, juste un anneau de cartilage.
A noter que les larves des lamproies (appelées ammocètes) se nourrissent de manière très similaire aux céphalochordés (c'est quoi déjà un céphalochordé ?) : elles filtrent l'eau avec les fentes de leurs pharynx.

La lamproie est étrange, mais pas autant que la myxine, dont voici l'adorable frimousse : 

La bouche de la myxine Myxine glutinosa (crédits).

Ne vous laissez pas prendre par les apparences : les rangées de dents qu'on voit ne sont pas des mâchoires, mais bien une "langue-piston" similaire à celle des lamproies. Leurs yeux ne sont pas visibles car ils sont couverts par une couche de peau et de muscles.
Les myxines vivent plutôt dans les profondeurs marines. Elles restent enfouies dans la vase pendant la journée, et sortent la nuit, pour chasser ou se nourrir des cadavres qui tombent au fond (comme les baleines par exemple). Vous pouvez voir ci-dessous une carcasse de baleine filmée à différentes étapes de sa décomposition. Toutes les petites bêtes qui ondulent au début sont des myxines ! A noter qu'on y voit aussi des vers polychètes du genre Osedax, que l'on trouve uniquement fixés dans les os des baleines mortes. Ces vers font partie de la famille des Siboglinidae, dont on a déjà parlé ici



Les myxines ont aussi l'amusante particularité de produire un mucus (une sécrétion visqueuse) en grande quantité quand on les dérange. Regardez (ci-dessous) la quantité impressionnante de mucus que cette myxine produit !



Ce mucus a un rôle de défense contre les prédateurs, comme on peut le voir sur cette série de vidéos filmées en profondeur :  




Les prédateurs qui essayent de boulotter ces myxines repartent sans demander leur reste, la bouche pleine de mucus ! (Regardez aussi, vers 2:50, la myxine faire un nœud avec l'arrière de son corps pour s'enfoncer dans le sédiment et attraper une proie).
Il paraît que dans certaines régions d'Asie de l'est, le mucus des myxines est consommé en cuisine, un peu comme du blanc d'œuf…

Nous l'avons vu, les myxines n'ont pas de mâchoires. Mais elles n'auraient pas non plus de vertèbres, étonnant pour un organisme que l'on classe dans un groupe nommé "vertébrés" ! Par contre, les lamproies ont des petites vertèbres rudimentaires et cartilagineuses. De la même façon, les myxines sont les seuls vertébrés à ne pas avoir de nerf qui contrôle les battements du cœur. Cette anatomie a longtemps fait penser à une plus grande parenté des lamproies avec les autres vertébrés (qui ont tous des vertèbres, eux) qu'avec les myxines. Aujourd'hui, les analyses génétiques semblent au contraire démontrer que les lamproies et les myxines forment un groupe monophylétique (ça veut dire quoi, "monophylétique" ?) : les cyclostomes. Ce groupe serait caractérisé par cette structure particulière que j'ai appelée "langue-piston", et par certaines séquences d'ADN bien particulières… Les myxines auraient perdu certains caractères au cours de l'évolution, comme le contrôle nerveux du cœur ou les vertèbres. Des études récentes sur des embryons de myxines ont d'ailleurs mis en évidence la présence de petites structures qui seraient les restes de ces vertèbres perdues… Aussi étonnant que ça semble paraître, les myxines semblent donc être des vertébrés très modifiés, par la perte de tout un tas de structures. Cela n'est pas sans rappeler les Acoelomorpha et Xenoturbella, dont on a déjà parlé, avec leur morphologie très modifiée.

Avec les lamproies et les myxines, on a donc des vertébrés sans os, sans mâchoires et sans membres pairs. Diantre ! Tous ces caractères seraient donc apparus au fur et à mesure au cours de l'évolution ? Ou alors ils ont été perdus chez les lamproies et les myxines ? Les fossiles peuvent nous éclairer à ce sujet.

Sacabambaspis. En haut, le fossile découvert en Bolivie. En bas, une reconstitution. Crédits : P. Janvier, Tree of Life

Voici Sacabambaspis (ci-dessus). C'est un vertébré fossile de l'Ordovicien (il y a environ 450 millions d'années), découvert en Bolivie par une équipe du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. A l'avant, on peut voir sa bouche, entourée par les yeux. Lui non plus n'a pas de membres pairs, ni de mâchoires. Mais il a un truc en plus par rapport aux lamproies et aux myxines : un énorme bouclier osseux qui couvre tout l'avant du corps. De l'os, comme chez la plupart des vertébrés actuels ! Cette petite bête pourrait donc plus proche de nous, les vertébrés osseux, que des lamproies et des myxines, car nous partageons le caractère "squelette constitué d'os".
Pour qualifier l'ensemble de ces "poissons" sans mâchoires avec un bouclier à l'avant du corps, on a forgé un nom : "ostracodermes", ce qui veut dire " coquille sur la peau". Les ostracodermes ont eu une histoire florissante, et on retrouve leurs fossiles en grande quantité dans les gisements de l'Ordovicien, du Silurien et du Dévonien (ce qui constitue quand même un "règne" de plus de 100 millions d'années !).

En haut reconstitution de divers "ostracodermes" du groupe des ostéostracés. Zenaspis est en bas à gauche. En bas, le fossile de Zenaspis. Crédits : Philippe Janvier, Tree of Life

 Voici Zenaspis (ci-dessus), un autre "ostracoderme", du Dévonien cette fois (à peu près 400 millions d'années). Sur la reconstitution (en haut, individu en bas à gauche), on peut voir que lui aussi a un bouclier à l'avant du corps (cette fois-ci constitué d'une seule plaque). Sa bouche (non visible car elle est ventrale) n'a pas de mâchoires : c'est juste un orifice dans le bouclier osseux. Mais regardez bien, à l'arrière du bouclier : on voit deux petites nageoires en forme de lobe. Des nageoires paires, les nageoires pectorales. Vous aussi vous avez des "nageoires pectorales" : vos deux bras !
Les "ostracodermes" du groupe des ostéostracés, comme Zenaspis, seraient donc plus proches de nous que de toutes les autres bestioles que l'on a vues jusqu'à présent ! Finalement, pour en arriver au "poisson" idéal du début à partir de Zenaspis, il ne manque plus grand-chose, dont des mâchoires ! Celles-ci sont propres au clade des gnathostomes, les vertébrés à mâchoires, dont je vous reparlerai dans un prochain article.

Les fossiles que l'on vient de voir nous démontrent une chose : à part certaines pertes de caractères qui ont eu lieu chez les myxines, leur anatomie à elles et aux lamproies est bien due à une absence ancestrale. En d'autres termes, l'os et les membres pairs sont apparus une seule fois : au sein de la lignée qui comprend les gnathostomes et les "ostracodermes". Les fossiles nous montrent des organismes qui présentent des combinaisons de caractères que l'on ne voit pas dans la nature actuelle. Ils sont donc très importants pour reconstituer l'évolution de ces caractères.

Avant de partir quand même, un petit arbre récapitulatif (eh oui, on aime bien les arbres ici !) :


Les caractères qui apparaissent aux nœuds sont : 1) crête neurale ; placodes épidermiques ; crâne ; vertèbres ; 2) "langue-piston" ; 3) os dermique ; système de canaux sensoriels de la ligne latérale ; 4) nageoires pectorales ; nageoire caudale avec un lobe dorsal. Les myxines sont caractérisées par une perte des vertèbres. Les gnathostomes sont caractérisés par la présence de mâchoires.


Les lecteurs les plus attentifs l'auront remarqué : certains de ces "poissons" sans mâchoires "ostéostracés" sont plus proches des gnathostomes (les vertébrés à mâchoires, c’est-à-dire nous) que d'autres "poissons" sans mâchoires "ostéostracés". Les "ostéostracés" sont donc un groupe paraphylétique, un groupe qui n'existe pas en systématique moderne (comme nous l'avons déjà expliqué ici). Mais surtout, les "ostéostracés", les lamproies et les myxines sont tous des "poissons" au sens traditionnel du terme. La conclusion est donc la même pour les "poissons". Vous commencez à comprendre le titre de ce blog ? Ah, mais ce n'est pas fini ! La suite au prochain numéro !


Quelques liens vers des articles scientifiques sur le sujet :
  • L'article qui soutient la présence de vertèbres chez les embryons de myxines : par ici
  • Article de P. Janvier (CNRS) sur la monophylie des cyclostomes : par là 
  • Article de P. Janvier sur l'évolution des "poissons" sans mâchoires : hop ! 



10 commentaires:

  1. "Vous commencez à comprendre le titre de ce blog ?"

    - Non, pourquoi? :)

    "Chez les embryons de tétrapodes (les vertébrés terrestres, nous y compris), les fentes branchiales sont bien présentes avant de se résorber chez l'adulte."

    "Vous aussi vous avez des "nageoires pectorales" : vos deux bras !"

    Donc si nous avons des nageoires paires, certes fortement modifiées (mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas), des fentes branchiales, certes résorbées à l'âge adulte...

    La question est, pourquoi ne nous qualifions pas nous-même de poissons, afin de permettre aux autres poissons de ne pas se sentir snobés et délaissés par les quelques poissons (mineurs dans l'histoire de la Terre) qui vivent en milieu terrestre?

    Conclusion, les poissons existent, j'en croise tous les jours dans le RER :)

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  2. Très bon commentaire, qui soulève la difficulté de nommer les choses dans un contexte phylogénétique.
    Tu l'as très bien compris, c'est une question de nomenclature. De fait, nous (les tétrapodes, c'est-à-dire les vertébrés terrestres) sommes des "poissons" modifiés. Il aurait donc été tout à fait légitime d'appeler tout ce petit monde "poisson".
    Après, pourquoi on ne l'a pas fait ? Déjà parce qu'un terme désignait déjà l'ensemble des "poissons" et les tétrapodes inclus : c'est le terme de "vertébrés" (puisque par définition, les "poissons" sont tous les vertébrés non-tétrapodes).
    Ensuite, que désigne "poisson" ? Ce terme repose fondamentalement sur une vision gradiste. Les "poissons" sont un groupe-marchepied (pour reprendre les termes de Lecointre), qui n'existe que par la privation du goupe des tétrapodes.
    En effet, comment définir un "poisson" autrement ? Comme nous allons tenter de le montrer par la suite, il n'y a pas de critère anatomique, écologique ou physiologique qui regroupe tous les "poissons" et uniquement les "poissons".
    Après, c'est la subjectivité des noms en biologie...

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  3. En fait : on a Pisces (= poissons, fish, etc.) de Linnée, 1758

    Et vertebrata Lamarck, 1801

    Donc, c'est surtout Lamarck qui a fait une erreur en créant le terme de Vertebrata.

    Adopter poisson et non vertebrata, cela permet de parler de poisson sans guillemets, sans arrière pensée. Lors de l'enseignement de l'évolution, cela permet de mieux comprendre la place de l'Homme, et d'éviter de devoir parler d'actinoptérygien à chaque fois que l'on parle d'un poisson - ou vertébré - marin.

    Car au final, pourquoi parle-t-on de vertébrés et non de poissons? N'est-ce pas pour éviter d'être associés à ces êtres si souvent dévalorisés (parce qu'ils n'ont pas de membre chiridien?) et oublier ce qui fait leurs spécificité.

    Très clairement, vertebrata a été créé dans un cadre d'échelle des êtres, pour montrer la supériorité du groupe auquel l'Humain appartient. Par opposition aux vermes, articulata et autres bestioles qui n'avait pas "réussi" à évoluer vers la "perfection", l'Homme.

    Est-ce message qu'il faut faire passer? Ou vaut-il mieux essayer de faire comprendre que nous ne sommes finalement pas si loin des poissons (pourquoi beaucoup de végétariens mangent-ils les poissons autres que les tétrapodes? présentés ainsi, cela amène plus à réflexion).

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  4. Quand j'ai lu "Conclusion, les poissons existent, j'en croise tous les jours dans le RER :)" je me suis dit "hahahaha, on croirait Denis !"... J'avais plutôt raison :)

    Le problème d'un nom n'est pas seulement un problème de règles mais aussi de ce qu'il connote. Et avec "poisson" le gros problème c'est qu'il est utilisé par le milieu non scientifique (le terme poisson n'était pas scientifique avant Linnée), changer le concept qu'il y a derrière le terme "poisson" serait créer une énorme incompréhension entre les systématiciens et le reste du monde... Non et concepts sont séparés en théorie. Pour l'esprit humain ce n'est pas le cas...

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  5. Mammifères (Mammalia Linnée, 1758), oiseaux (Aves Linnée, 1758), et insectes (insecta Linnée, 1758) sont tous des mots associés à des concepts phylogénétique utilisés couramment par le grand public.

    Pour les deux premiers, la définition ne pose pas vraiment de problèmes dans la vie de tous les jours, nous savons qu'il n'en est pas de même pour les paléontologues!

    Je ne suis pas d'accord avec le fait de dire que l'on créer plus d'incompréhension en disant que nous faisons partie du groupe des poissons, notamment en évoquant ces beaux exemples des nageoires et fentes branchiales. Il est plus simple et plus instructif de souligner notre parenté aux autres "vertébrés marins", que de se lancer dans la délicate et longue explication du pourquoi un concept autant utilisé que "poisson" ne devrait pas exister.

    En effet... Même entre guillemet, vous l'utilisez beaucoups... Je ne vais pas chercher le nombre d'article scientifiques avec fish ou poisson dans le titre.

    Au final, dire que nous sommes des poissons, c'est:
    - faire preuve d'humilité;
    - reconnaitre notre place dans le vivant;
    - faire entrer la science de l'évolution et la systématique dans notre vie courante.

    On peut débattre longtemps là-dessus, mais je ne suis pas sûr que faire de poisson un mot tabou que l'on dissimule pudiquement entre des guillemet améliore la communication scientifique... C'est se tirer une balle dans le pied "écouter le public, je vais vous parler de la nage carangiforme chez les poissons..." "Zut, je voulais dire chez les vertébrés autres que les tétrapodes..."

    A la fête de la science, j'ai remarqué la difficulté de faire passer le concept "les poissons n'existent pas". Je pense que dire que nous sommes une forme particulière de poissons comme tous les vertébrés terrestres passerait mieux, on a des arguments pour le faire comprendre... Il faut se rappeler aussi que pour beaucoup, les poissons n'ont pas de colonne vertébrale, non, ils ont une arrête.

    Je ne m'attend pas à convaincre, j'en plaisante surtout, mais en écrivant tout à l'heure, j'ai réalisé qu'au niveau transmission des connaissances, dire que les poissons incluent les tétrapodes est bien plus intéressant que d'expliquer qu'il s'agit d'un concept (le concept de concept n'est pas clair pour tous le monde non plus).

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  6. L'anguille n'est-elle pas plutot une espèce catadrome effectuant sa migration vers la mer pour s'y reproduire ?

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  7. Tu as tout à fait raison, les anguilles sont catadromes, mais les saumons et les lamproies sont anadromes.
    Erreur corrigée !

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  8. Bonjour,
    donc lorsqu'au Moyen Age on classait les castors parmi les poissons pour mieux les boulotter les jours maigres ... on avait déjà tout compris !
    :)

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    1. ont peut toujour dir qu'un poisson est un vertebre dont les ancetres n'ont jamais quitté l'eau

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    2. Pas vraiment, car cette définition implique plusieurs raccourcis.
      D'abord, parler d'ancêtre. On n'a pas accès aux ancêtres en paléontologie, tout simplement parce qu'on ne dispose pas de registre généalogique du vivant ! Tout ce qu'on peut faire (et c'est déjà pas mal), c'est reconstituer les relations de parenté entre les êtres vivants, c'est-à-dire qui est plus proche de qui. Dans ce contexte, on ne parle pas de généalogie mais de phylogénie. Dans une phylogénie, on a des "ancêtres communs hypothétiques", ce qui signifie que l'on peut établir un "portrait robot" du dernier ancêtre que partagent tous les organismes d'un groupe. Dans le cas des vertébrés, il est en effet plus simple (plus parcimonieux) de reconstituer l'ancêtre commun à tous les "poissons" (et à tous les vertébrés, donc) comme un organisme aquatique. Mais rien n'interdit a priori qu'en réalité il se serait agi d'un animal terrestre qui serait secondairement retourné dans l'eau. Ce n'est pas parce que les données actuelles ne suggèrent pas cette hypothèse qu'elle est fausse !
      D'ailleurs, on peut reconstituer grâce à la phylogénie que l'ancêtre commun à tous les vertébrés osseux (dont les "poissons" à nageoire rayonnée) était pourvu d'un poumon fonctionnel !

      Deuxièmement, parler de "sortie des eaux" est légèrement ambigu : à quoi correspond une "sortie des eaux" ? Doit-elle être définitive ? Certains "poissons" n'hésitent pas à sortir de l'eau temporairement pour échapper à leur prédateurs, se déplacer ou même se nourrir, c'est le cas des périophtalmes, des anguilles, des gouramis ou des dipneustes. Dans ce cas, ils vont utiliser divers organes leur permettant de respirer de l'air. Et les amphibiens, comme les grenouilles et les tritons, qui vivent la plupart du temps dans l'eau, sont-ils des "poissons" ? Quand bien même, on peut se demander dans quelle mesure les tétrapodes (vertébrés "terrestres") se sont vraiment affranchis du milieu aquatique. Nous avons encore besoin d'eau pour notre développement par exemple (qu'est-ce que l'utérus, sinon une poche à eau ?).

      Enfin, raisonner de la sorte implique de former un groupe négativement, c'est-à-dire qu'on va le justifier par l'absence d'une propriété (ici, avoir quitté l'eau). Former des groupes de la sorte n'a pas grand intérêt en classification : comment reconnaître, juste en le voyant, un vertébré qui n'est pas sorti de l'eau ? C'est par la présence de caractères distinctifs qu'on va reconnaître un organisme, pas l'inverse !

      Finalement, on peut s'interroger : quel est vraiment l'intérêt de parler de "poissons" au lieu de parler de chondrichthyens ou d'actinoptérygiens ? Pas grand chose.
      Et la simplicité du discours ? En sciences, nous décrivons la nature, et la nature n'est pas simple, elle est comme elle est et c'est comme ça que nous devons la décrire.

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