vendredi 2 avril 2021

Ces plantes qui n’ont pas besoin du Soleil pour vivre

Aujourd’hui, je vous emmène en voyage… en Malaisie ! Comme la plupart d’entre vous, je suis coincé derrière mon écran d’ordinateur en ce moment, mais ce n’est pas une excuse pour ignorer l’actualité scientifique internationale. Et ça tombe bien, car je vais vous parler d’une découverte récente faite dans le parc national du Royal Belum sur la péninsule du Myanmar, en Malaisie.

Ça fait du bien de voyager… même depuis sa chaise d’ordinateur ! (source)

Pour les personnes dont la géographie n’est pas le point fort (et je m’inclue dedans, inquiétez-vous pas), la Malaisie, c’est ici :

Localisation de la Malaisie (gauche, source)
et du parc national du Royal Belum (droite, source : Siti-Munirah et al 2021)

Cette région du monde est un des biodiversity hotspot (« points chaud » de biodiversité en français), c’est-à-dire une zone de la planète qui présente une diversité biologique élevée, directement menacée par les activités humaines. Dans le cas des zones tropicales telles que la Malaisie, il s’agit principalement de la déforestation.

Heureusement, certains gouvernements prennent des mesures pour protéger ce qui peut encore l’être, et créent des zones de réserves qui ne sont pas exploitées. C’est le cas du parc national du Royal Belum, où nos scientifiques ont fait une bien étrange rencontre…

Pour la petite histoire, les scientifiques à l’origine de la découverte et description de cette plante travaillent au Forest Research Institute Malaysia, situé proche de Kuala Lumpur (la capitale de la Malaisie), et ont tout d’abord pris connaissance de l’existence de cette plante… sur les réseaux sociaux ! En effet, un guide naturaliste du Royal Belum State Park avait posté des photos de cette plante intrigante, et les scientifiques en sont venus à la conclusion qu’il pouvait s’agit d’une nouvelle espèce. La suite, on la connait : une campagne de terrain plus tard, une nouvelle plante était répertoriée !

Sans plus attendre, je vous dévoile cette espèce révélée au grand jour par l’équipe en question : il s’agit de Thismia belumensis.

Plante entière dans son milieu naturel (source )

Mais… dites-moi, elle n’est pas très verte, pour une plante… et puis, ça ressemble plus à un cauchemar sorti tout droit de l’imaginaire de Ridley Scott plutôt qu’une sympathique petite plante de sous-bois dans la forêt tropicale… Alors, regardons de plus près ce drôle de végétal.

Vue rapprochée de Thismia belumensis. (source  )

Non seulement, cette plante n’est pas verte et aucune feuille n’est visible… mais elle ressemble furieusement à la bouche d’un animal quand on se rapproche. Alors, que penser ? Est-ce une plante carnivore qui attire des insectes et les gobe au passage dans sa large « bouche » ? Que nenni ! C’est un peu plus complexe que ça…

Effectivement, cette plante n’est pas verte, donc elle ne peut pas réaliser la photosynthèse et utiliser l’énergie du soleil pour fabriquer sa propre nourriture (c’est-à-dire des sucres). Comment fait-elle pour se développer, se maintenir et survivre même ?

Il s’avère que les plantes du genre Thismia (qui regroupe tout de même entre 80 et 90 espèces selon les auteurs) sont ce que l’on appelle « mycohétérotrophes » : cela signifie que ces plantes se développent au dépend des champignons du sol. En gros, au lieu de fabriquer ses propres sucres grâce à la photosynthèse, la plante utilise son système racinaire pour aller « pomper » les sucres fabriqués par les champignons dans le sol. On assiste donc ici à une relation de parasitisme au bénéfice de la plante, alors que la plupart du temps c’est le champignon qui sera le parasite.

On peut même aller plus loin et dire que les champignons servent de lien de transfert direct du carbone depuis les plantes chlorophylliennes jusqu’à nos plantes mycohétérotrophes ! Pour résumer la chose, voici un petit schéma :

Lien trophiques entre les plantes et les champignons dans le sol, avec les transferts de carbone (=sucres) associés. (Source)

Dans notre cas, il s’agit d’une relation de parasitisme et non de symbiose (comme avec les mycorhizes) car c’est une relation à sens unique : la plante récupère les nutriments et sucres auprès du champignon mais ne redonne rien en échange.

Quant à la forme de cette fleur, eh bien… les chercheurs n’ont pas encore trouvé d’explication ! ce qui est encore plus étrange, c’est que chez le genre Thismia, les fleurs ont la plupart du temps une symétrie radiale (comme une étoile de mer si l’on veut) alors que dans notre cas, la fleur possède une symétrie bilatérale. Le mystère reste donc entier vis-à-vis de cette morphologie particulière…

A gauche, Thismia neptunis, une espèce récemment redécouverte en Malaisie (Sochor et al 2018 ); à droite,  Thismia belumensis (modifié d’après Siti-Munirah et al 2021)

D’autres exemples de mycohétérotrophie peuvent s’observer à travers le règne végétal, et pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour ça ! On trouve par exemple Monotropa uniflora en Amérique du Nord, dans les forêts où se trouvent des champignons de la famille des Russules (Yang et al 2006). De la même manière que les plantes du genre Thismia, la monotrope va se « brancher » sur les filaments du champignon présent dans le sol afin d’en extraire les nutriments.

Mais le plus étrange dans tout ça, c’est la mycohétérotrophie n’a pas qu’une seule origine (Merckx et al, 2013) dans le règne des végétaux ! Cette particularité se trouve dans de nombreuses lignés évolutives qui comptent principalement des plantes chlorophylliennes… alors, pourquoi cette capacité à « voler » des sucres aux champignons s’est-elle développée ? Sans avoir la réponse exacte à cette question (comme bien souvent en sciences), on peut proposer plusieurs hypothèses (Merckx et al, 2013). Par exemple, on pourrait penser que certaines plantes utilisent la mycohétérotrophie pour éviter de stocker trop de nutriments dans leurs graines : ainsi, les nouvelles plantules s’associent directement avec les filaments de champignons dans le sol, en leur « pompant » leurs réserves de sucres… c’est tout bénéfice pour la plante-mère, qui n’a pas besoin de dépenser toutes ses ressources dans sa descendance (les autres organismes s’en chargent !). D’autres hypothèses laissent entendre que le développement de la mycohétérotrophie s’est fait en même temps que la formation des premières forêts à canopée fermée… ce qui empêche la lumière d’arriver au sol ! Donc, être capable d’utiliser les ressources d’autres organismes, au lieu de faire la photosynthèse, est un avantage évolutif certain dans ces conditions d’obscurité.

En conclusion, les plantes mycohétérotrophes tirent leur subsistance du parasitisme envers les champignons… qui eux-mêmes, tirent leur nourriture soit des arbres vivants ou morts, alors on peut dire qu’au bout du compte, tous ces organismes qui sont reliés les uns autres tirent leur énergie d’une seule et même source : le soleil !

Bibliographie

·        Siti-Munirah MY, Suhaimi-Miloko Z, Zubir Ahmad MI (2021) Thismia belumensis (Thismiaceae), a remarkable new species from The Royal Belum State Park, Gerik, Perak, Peninsular Malaysia. PhytoKeys 172: 121–134. https://doi.org/10.3897/phytokeys.172.59336

·        https://www.newscientist.com/article/2162691-a-weird-underground-plant-has-been-rediscovered-after-151-years/

·        https://www.newscientist.com/article/2270144-fairy-lantern-flower-has-a-gaping-mouth-and-saps-energy-from-fungi/

·        Sochor, M., Egertova, Z., HRONEŠ, M., & DANČÁK, M. (2018). Rediscovery of Thismia neptunis (Thismiaceae) after 151 years. Phytotaxa, 340(1), 71-78.

·        S. Yang & D.H. Pfister (2006) Monotropa uniflora plants of eastern Massachusetts form mycorrhizae with a diversity of russulacean fungi, Mycologia, 98:4, 535-540, DOI: 10.1080/15572536.2006.11832656

·        Merckx, V. S. F. T., Freudenstein, J. V., Kissling, J., Christenhusz, M. J. M., Stotler, R. E., & Crandall-Stotler, B. (2013). Mycoheterotrophy. Springer, New York, NY. doi10, 978-1.

 

mercredi 27 janvier 2021

Ces plantes qui aiment se dorer au soleil

A la surface de la planète, la plupart des plantes sont vertes, en raison d’un pigment appelé chlorophylle, contenu dans leurs feuilles. La chlorophylle utilise l’énergie provenant du soleil (sous forme de photons) pour réaliser la photosynthèse, un mécanisme cellulaire à l’origine de la production de sucres indispensable à la plante pour sa croissance, son développement et sa reproduction. Tout ça j’en ai déjà parlé ici, je ne vais pas revenir là-dessus.

Mais saviez-vous que certaines plantes utilisent également la lumière du soleil pour d’autres raisons ? Que certaines espèces possèdent des feuilles et des cellules particulières qui augmentent artificiellement la température de l’organisme lorsque la météo devient plus froide ? Et que ceci est une adaptation qui augmente leur succès reproducteur (un plus grand nombre de descendants viables) et ainsi favorise la survie de l’espèce

Dans un précédent article, je vous parlais de voies métaboliques permettant à certaines espèces d’élever drastiquement leur température interne par rapport au milieu ambiant, ce qui est bien utile au chou-puant pour percer la neige au printemps. Cette fois, je vais vous parler de plantes qui, à défaut d’accroitre leur température de façon autonome, sont capables d’utiliser les rayons du soleil pour rester au chaud.

Mais avant de vous expliquer le-pourquoi-du-comment, reprenons les bases sur l’effet de serre.

Petit rappel sur l’effet de serre

Vous avez certainement entendu parler des gaz à effet de serre (GES) – ou alors c’est que vous venez juste de vous réveiller d’un sommeil datant de l’ère préindustrielle, vous avez plusieurs siècles à rattraper et la liste serait trop longue à faire ici – la star au cœur des problèmes de changements climatiques qu’on connaît actuellement.

Faisons simple, un schéma vaut mieux que 1000 mots!

Schéma explicatif de l'effet de serre (Source)

La Terre, la seule et unique planète habitable connue du système solaire (et pour le moment, de l’univers à ce qu’on sache !), possède une atmosphère viable pour le développement de la vie. Cette atmosphère est une mince couche de gaz protégeant entre autres les organismes vivants des rayonnements ultraviolets mortels émis par le soleil et ayant un rôle dans notre capacité à respirer. Au passage, l’atmosphère ne fait pas plus de 100km, c’est environ la distance entre  Paris et Chartres pour les français, deux fois la distance Anvers-Bruxelles pour les belges et un peu moins du tiers de la distance entre Montréal et Québec pour les québécois.

D’après notre petit schéma, on remarque qu'une partie du rayonnement solaire est réfléchie dans l’espace par l’atmosphère et la surface terrestre. L’autre partie est absorbée par la surface terrestre, dont la température va être augmentée, et la surface terrestre va à son tour réémettre de l'énergie vers l'espace sous forme de rayonnements infrarouges.

Ces rayons infrarouges frappent les molécules de gaz à effet de serre présentes naturellement dans l’atmosphère, tels que la vapeur d’eau ou encore le dioxyde de carbone (CO2) et réchauffent ainsi les basses couches de l’atmosphère et de la surface de la terre. Grâce à cela, nous ne gelons pas sur place et la température moyenne sur Terre avoisine les 15°C. La chaleur réémise par la terre sous forme de rayons infrarouges se retrouve ainsi en grande partie piégée par les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui à leur tour réémettent une partie de la chaleur vers la surface terrestre, et s’en suit une boucle qui peut durer longtemps. Ce cycle de réchauffement nécessite donc deux conditions sine qua none : des rayonnements provenant de l’extérieur générés par le soleil, et des gaz à effet de serre capable de les piéger.

Le même principe est utilisé dans les serres artificielles pour faire pousser des légumes en hiver, à la différence qu’ici les rayons du soleil traversent le plafond de verre pour venir réchauffer le sol de la serre, qui émet des rayons infrarouges, qui eux ne peuvent pas retraverser le verre, et sont donc réfléchis vers le sol, entrainant un réchauffement supplémentaire, etc.

Une mini-serre naturelle dans une feuille

Voyez-vous où je veux en venir ? Certaines plantes sont capables d’utiliser ce principe de l’effet de serre à leur avantage, en créant des conditions idéales pour leur croissance.

Voyageons un peu à la découverte de la rhubarbe noble Rheum nobile qui pousse sur les flancs des montagnes himalayennes, vers les 4000m d’altitude.

Rheum nobile dans son milieu naturel sur les flans de l'Himalaya (source

À cette altitude, il n’y a plus d’arbres, et les rares plantes y sont en général toutes rabougries et peu développées. Le sol est quasiment inexistant, le substrat étant surtout constitué de cailloux inhospitaliers pour la croissance des plantes. De plus, à cette altitude, l’atmosphère filtre moins les rayons ultraviolets du soleil, qui sont tout de même des agents mutagènes néfastes au bon développement des êtres vivants.

Mais alors, comment cette rhubarbe peut-elle atteindre 2 mètres de hauteur, dans un endroit aussi peu accueillant ?

Eh bien, cette plante possède des feuilles transformées translucides, appelées des bractées, qui vont jouer le rôle du toit en verre d’une serre de culture, pour notre rhubarbe. La chaleur est ainsi conservée autour des tiges de la plante grâce à l’effet de serre!

Mais ce n’est pas fini ! Ces grandes colonnes entourées de bractées protègent ce qu’il y a de plus précieux pour la plante, à savoir ses fleurs. Une étude a montré que la présence des bractées augmente la température d’au moins 10 degrés autour des fleurs, condition indispensable à  leur développement dans un environnement qui autrement serait trop froid. Cette adaptation, vitale pour l’espèce, lui permet de produire un nombre suffisant de graines, et donc d’assurer sa descendance. L’équipe de recherche a également mis en évidence le rôle de ces bractées dans la protection du pollen contre les rayons UV, qui sont particulièrement délétères pour les étamines (=les organes sexuels producteurs de pollen dans les fleurs).

Enfin, pour ne rien enlever au charme de cette rhubarbe, il faut savoir que ses fleurs sont pollinisées par un moucheron, attiré par cette source de chaleur inespérée. L’insecte vient se protéger du froid et pollinise la plante par contact, sans oublier d’y pondre ses œufs. Pour se développer, les larves consomment généralement une partie des graines produites. Malgré les apparences, cette interaction est un mutualisme, offrant une garantie de reproduction et de survie de la descendance pour les deux espèces. Le jeu en vaut donc la chandelle!

Cette fascinante rhubarbe n’est pas la seule espèce de plantes à avoir développé cette stratégie évolutive reposant sur une mini-serre naturelle pour faciliter la production de graines. On trouve aussi l’espèce de vigne Schizopepon bryoniifolius au Japon, dont les feuilles se recourbent à l’automne pour venir protéger les fruits en maturation. Les chercheurs ont montré que sous les feuilles, la température était jusqu’à 5 degrés plus élevée que la température extérieure. Selon l’équipe de recherche, cette augmentation de température pourrait assurer une descendance plus nombreuse à la plante (=un nombre de graines plus élevé).

La vigne japonaise Schizopepon bryoniifolius avec les feuilles protectrices des fruits en maturation (source)

Concentration de chaleur : une parabole naturelle

Pour les plus vieux d’entre nous qui ont connu l’ère pré-internet, quand nous n’avions pour choix que six chaines de télévision (tu le sens le coup de vieux ?), il était possible de s’abonner au câble satellite pour avoir un peu plus de choix dans les émissions qui passaient à la télé. Il fallait alors avoir une énorme antenne sur le toit ou dans le jardin : une antenne parabolique. Le principe d’une antenne parabolique, c’est de concentrer en un seul point des signaux (ondes radios par exemple) qui arrivent d’une source lointaine, et de les amplifier.

Schéma d'une antenne parabolique (source)

La forme de l’antenne en « coquille » arrondie (la parabole, en fait) n’est pas anodine. C’est elle qui permet de concentrer un maximum de signaux sur une petite surface au même endroit. Mais ceci n’est qu’une pâle copie de ce que la nature fait avec succès depuis fort longtemps … Et encore une fois, ça a rapport à la chaleur provenant du soleil.

Une étude montre que les boutons d’or du genre Ranunculus arborent des pétales qui concentrent la lumière des rayons du soleil au centre de la fleur, à la manière d’une parabole.

Fleur de bouton d'or Ranunculus sp, avec la fonction parabolique illustrée en bas à droite (source)

Cet effet parabole a deux conséquences : D’une part, la structure particulière de l’épiderme des pétales agit comme un miroir et rend les fleurs plus « brillantes » au soleil, attirant ainsi plus de pollinisateurs. D’autre part, la concentration des rayons du soleil au centre de la fleur réchauffe les parties reproductrices, particulièrement les étamines, là où se développe le pollen… et donc, cela améliore l’efficacité de reproduction de la fleur !

Pour conclure …

Ces quelques exemples montrent que l’utilisation des rayons du soleil par les plantes dépassent la « simple » photosynthèse. Qu’il s’agisse de mini-serres ou de paraboles, les plantes sont pleines de ressources pour exploiter tout le potentiel des rayons du soleil de la même manière que tous les animaux, à savoir, pour se réchauffer !

Bibliographie

Cet article se base principalement sur trois articles publiés dans le New Scientist, qui est un journal de vulgarisation scientifique :

Extreme rhubarb : the plan that grows a greenhouse

Vine grows its own greenhouses to help fruit develop in autumn

Buttercups focus light to heat their flowers and attract insects

Ces articles de vulgarisation sont basés sur les articles scientifiques suivants :

Song, B., Zhang, Z. Q., Stöcklin, J., Yang, Y., Niu, Y., Chen, J. G., & Sun, H. (2013). Multifunctional bracts enhance plant fitness during flowering and seed development in Rheum nobile (Polygonaceae), a giant herb endemic to the high Himalayas. Oecologia172(2), 359-370.

Nagaoka, N., Naoe, S., Takano-Masuya, Y., & Sakai, S. (2020). Green greenhouse: leaf enclosure for fruit development of an androdioecious vine, Schizopepon bryoniifolius. Proceedings of the Royal Society B287(1936), 20201718.

van der Kooi, C. J., Elzenga, J. T. M., Dijksterhuis, J., & Stavenga, D. G. (2016). Functional optics of glossy buttercup flowers. JR Soc Interface 17: 20160933.



mardi 22 décembre 2020

Cookies et verres de lait : la titanesque consommation de calories du Père Noël

Comme chaque année, pendant que nous dormons à points fermés le ventre bien rempli d’un repas gargantuesque, le Père Noël s’embarque dans une aventure aussi intense que sportive : des descentes et remontées incessantes dans les cheminées, des millions de paquets à soulever et déposer au pied des sapins illuminés, et ni plus ni moins qu’un tour complet de la planète. Le tout en seulement 24h chrono, grâce aux décalages horaires. Sacrée nuit blanche pour un grand-père !

Heureusement, les enfants font souvent preuve de solidarité, et dans nombre de pays, il est de tradition de laisser un petit remontant au Père Noël, de quoi tenir le coup jusqu’au bout. Remontant qui n’est jamais boudé : au matin, les bambins ont la joie de découvrir que le verre de lait et l’assiette de cookies qu’ils ont méticuleusement déposés ont eu du succès.

Bien sûr, Noël est pour la plupart des gens un évènement qui mérite d’être fêté avec le faste d’un festin démesuré. Mais tout de même, une nuit à se gaver de cookies, c’est un peu extrême… Non ?

 


La quantité de calories ingurgitées par le Père Noël au cours de cette nuit magique a longtemps interpellé, à tel point que de nombreuses personnes se sont osées à faire quelques projections. Pour ce faire, il convient de prendre en compte le nombre de maisons visitées, ou encore le nombre moyen de calories mises à disposition dans chaque maison (considérant que le nombre de cookies et leur recette, donc leur valeur énergétique, peut être très variable d’une maison à l’autre).

Prenons l’exemple des États-Unis où une étude de 2013 [1] a montré qu’environ la moitié des familles avec enfants s’attendaient à recevoir la visite du Père Noël, et étaient donc susceptibles de lui préparer un petit gouter nocturne, auxquelles s’ajoutent 22% des familles sans enfants (la magie opère à tout âge !). Considérant qu’il y a près de 37 millions de maisons avec enfants et 82 millions sans enfants dans ce pays, on obtient un total de 36 millions de foyers dans lesquels des cookies pourraient être préparés ! 

 


Avec un apport calorique moyen de 275 Kcal, correspondant grosso-modo à trois cookies et un verre de lait, on arrive à la somme astronomique de 9,9… milliards de Kilocalories !! Soit l’équivalent de 2500 tonnes de sucre blanc, à peu près le poids… de 500 éléphants ! Selon une autre étude [2], 10% de ces calories pourraient être mobilisées par le processus de digestion, laissant tout de même un total de près 9 milliards de Kilocalories au vieil homme, le tout en une seule nuit. Sachant que pour un homme de son âge et sa carrure, le Père Noël a besoin d’environ 3300 kcal par jour, la quantité qu’il aura ingurgité à Noël sera équivalente à 2,7 millions de fois son besoin réel. Même si notre bonhomme décide de répartir l’ensemble sur l’année entière, cela ferait un apport 7000 fois supérieur à ses besoins au quotidien. Et il n’a même pas encore visité les autres pays…

Bien sûr, tout ceci reste tout à fait théorique, et les chiffres utilisés peuvent faire varier le nombre de calories réellement consommées. Mais de manière générale, en considérant la planète entière dans le calcul, les petits goûters nocturnes du Père Noël se chiffrent toujours de quelques dizaines à quelques centaines de milliards de kilocalories avalées (voir tableau ci-dessous).

 

Les résultats de quelques calculs prenant en compte des chiffres différents à l’échelle de la planète entière (modifié d’après un tableau de Wormser & Ladenheim 2018)

Milliards de kilocalories consomméesNombre de foyers (millions)Kcal par foyerSource
494950520Spoon University
105378278Quora
18,492200Eat Out Eat Well
3742200170Greatist
150640234Daily Mail


 

Alors, faut-il s’inquiéter pour la santé du Père Noël ? Eh bien force est de constater qu’année après année, le vieil homme garde la forme et remplit sa mission avec brio. Un bidon un peu rond semble un prix dérisoire à payer pour une telle orgie sucrée. De quoi se poser quelques questions… Le Père Noël est-il doté d’un métabolisme supra-accéléré, impliquant une dépense énergétique particulièrement élevée et expliquant au passage son endurance exceptionnelle ? Visiter la planète entière en 24h implique en effet que notre homme soit capable de se mouvoir à une vitesse surhumaine. Est-il seulement humain, et même… terrien ? Le mystère demeure complet. Finalement, sa légendaire générosité explique peut-être la disparition des petites douceurs sucrées : il se pourrait qu’il profite simplement que son traineau s’allège au fur et à mesure de la distribution des cadeaux pour ramener toutes ces délicieuses intentions à son équipe d’elfes dévoués !

 

Références 

  1. Pew Research Center. Celebrating christmas and the holidays, then and now. 2013. http://www.pewforum.org/2013/12/18/celebrating-christmas-and-the-holidays-then-and-now/  
  2.  Wormser, G. P. & Ladenheim A. 2018. How many calories did Santa Claus consume on Christmas Eve? Wiener klinische Wochenschrift, 130, 73–75. https://link.springer.com/article/10.1007/s00508-017-1306-8 

 

Sophie Labaude

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